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11/02/2022
Patrick Ben Soussan

S’atteler à l’atelier

Introduction

D’après l’orthographe ancienne, on reconnaît qu’atelier a le même radical qu’attelle ou encore qu’attelage : c’est le lieu où travaille un ouvrier, un artisan ou, par extension, un artiste. Freinet employait aussi ce mot pour dire le lieu de la pédagogie ouverte. Ce qu’il y a de commun entre tous ces domaines, c’est la fabrication, in fine, d’un ouvrage – petite chose ou grande œuvre – fait de petits bouts de matières assemblés – du bois, de la peinture, des étoffes, des essences, des concepts, des mots…

Mon atelier est une grande pièce à vivre, lumineuse, débordante de matières : des murs brodés de tableaux, des coucous qui depuis longtemps ne disent plus l’heure ou la température, de curieux volatiles empaillés, des fleurs séchées, des livres et encore des livres, en tours improbables qui menacent de s’effondrer, des Vierges peintes dans un coin et des trophées de chasse – en peluche ou en crochet –, ailleurs, des piles de cd qui prennent la poussière depuis l’arrivée du streaming, des nattes africaines sur le sol et des lustres hindous à pampilles au plafond.      

Je m’attelle bien souvent à musarder, à l’atelier. J’agrège des formes, des musiques, des livres ou des faits d’art qu’on n’aurait pas tendance à rapprocher et à éclairer d’une même luminosité. J’aime ce qui consonne. C’est un plaisir et, en même temps, une manière de travailler – sûrement très « pénétrée » des associations libres que la psychanalyse promeut. Je dois avoir des casiers hétéroclites dans ma tête, pour ranger mes pensées et faire montage de mes travaux. Je trouve ainsi une profonde pertinence à rapprocher toute chose ; peut-être, dans une autre vie, étais-je chadkhan – un vieux marieur juif.

La littérature de jeunesse est mon cabinet de curiosités. On y trouve tant, on y trouve tout. J’adore ce capharnaüm de mots, d’histoires, d’images, ce dialogue que j’espère impromptu entre texte et illustrations, l’épure de certains albums ou l’exubérance de ces autres, les rires qu’ils renferment ou les chagrins. Je respire dans leurs pages, j’y cours, je m’y cache, je les oublie mais les retrouve un jour, ils ne me lâchent jamais, ils sont fidèles, ils vieillissent, moi aussi, mais ils me réconfortent toujours.


photo de Patrick BEN SOUSSAN

Patrick Ben Soussan est pédopsychiatre. Il a exercé pendant vingt-cinq ans à l'institut Paoli-Calmettes, Centre régional de lutte contre le cancer Provence-Alpes-Côte-d'Azur à Marseille, où il était responsable du département de psychologie clinique.


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