Patrick Conrath et Delphine Goetgheluck


par Delphine GOETGHELUCK, Patrick CONRATH,
le 28 nov. 2015

Marie-Françoise Dubois-Sacrispeyre : Vous êtes psychologues cliniciens, vous exercez peut-être encore, mais nous nous connaissons depuis longtemps car vous êtes rédacteurs en chef de la revue Le Journal des psychologues. 

Patrick Conrath, Delphine Goetgheluck: Tout d’abord, oui, nous sommes en effet psychologues et exerçons chacun dans des milieux professionnels différents. Il nous paraît difficile d’animer une revue professionnelle pour les psychologues et ne pas exercer en tant que tels…

PC : Je travaille depuis longtemps dans le secteur médico-social, notamment en IME, j’ai exercé aussi en libéral. Attaché de recherches à la faculté de médecine, j’ai enseigné auprès des écoles d’infirmiers, créé et dirigé pendant plus de 10 ans un groupe de formateurs…

DG : Quant à moi, je suis plutôt spécialisée dans la petite enfance. J’ai travaillé en PMI, dans le secteur médico-social auprès d’enfants en situation de handicap moteur. J’interviens auprès de professionnels de la petite enfance, en formation ou analyse de pratique. Je suis présidente depuis dix-sept ans d’une association dont l’action touche plusieurs secteurs tels que l’enfance, la famille, le médico-social, l’interculturalité etc.

 

MFDS : Cette revue spécialisée a de nombreuses proximités, affinités, convergences avec notre activité d’éditeur et nos chemins se sont souvent croisés autour de publications, de thématiques, de journées d’études. Mais cette année, nous avons décidé de formaliser notre complémentarité autour de la création d’une collection « Journal des psychologues » au sein du catalogue d’érès. Alors que vous avez déjà développé une activité éditoriale autour de la revue 1, pourquoi avez-vous souhaité travailler avec nous ? 

P.C., D.G. : Comme vous le dites, il y a beaucoup de convergences entre votre activité d’éditeur et ce que nous tentons de faire au Journal des psychologues, ceci depuis de nombreuses années.

Vous couvrez de multiples champs des sciences humaines et nous pensons que vos choix éditoriaux relèvent d’une volonté de publier des ouvrages et des revues qui donnent à penser et font avancer chacune des disciplines concernées. Cette recherche de qualité est évidemment séduisante. Mais il y a autre chose : c’est la convergence entre ces multiples champs, malgré leurs différences dans une complémentarité de préoccupations et d’avancées conceptuelles que ce
soit en psychanalyse, en psychosociologie, en recherche etc. Cette cohérence éditoriale fait écho à ce que nous tentons de maintenir et de développer au sein du Journal.

 

MFDS : Pouvez-vous retracer rapidement pour nos lecteurs l’itinéraire qui vous a conduits à vous engager dans cette revue mensuelle ? Je crois savoir que Patrick, tu faisais partie des créateurs de la revue en 1982, avec Armand Touati, peux-tu nous raconter les circonstances de cette naissance et brosser l’itinéraire de 33 ans de vie ? Il me semble qu’un des premiers combats du Journal des psychologues a été de fédérer les psychologues autour de la défense du titre de psychologue, qui, si je ne m’abuse aura 30 ans en 2015. Avez-vous prévu de fêter cet anniversaire ? 

PC : Le Journal des psychologues est né en 1982. En fait, nous étions quelques-uns à avoir fait nos études ensemble, et nous étions préoccupés par la place du psychologue dans ses différents milieux professionnels d’une part et plus largement au sein de la cité. 

Certes des syndicats et des mouvements pro étaient déjà actifs, mais il nous semblait qu’il manquait un lien, qu’il y avait une rupture entre l’université, la recherche, l’exercice de la profession. Et surtout que les psychologues pouvaient et devaient se réapproprier leur profession par l’écrit.

Cela peut paraître banal aujourd’hui, mais à l’époque, les professionnels avaient très peu de possibilités de publier leurs écrits en dehors de la recherche, très peu de possibilités de témoigner de leur pratique. De fait le combat pour le titre de psychologue dans lequel le Journal a été très investi, venait renforcer cette volonté de construction d’une identité professionnelle qui devait constituer le socle de notre métier, et non plus relever simplement d’un état d’esprit. Cela a eu des effets très importants sur la légitimité de notre exercice professionnel ce qui peut paraître naturel aujourd’hui mais qui ne l’était pas du tout alors.

Par ailleurs la revue a œuvré, nous pensons, à lever un certain nombre de clivages entre les disciplines qui étaient très importants à l’époque. 

DG : Je suis entrée dans l’aventure en chemin puisque j’ai fait partie de la première génération d’étudiants en psychologie formés après la légalisation du titre. J’ai découvert la revue en 1988 lors d’un stage de psychologie clinique au sein d’un établissement dépendant de l’APF (association des paralysés de France) : les psychologues de l’institution conduisaient régulièrement des réunions de travail autour d’un ouvrage qui avait fait l’objet d’un article dans le Journal. Ce jour-là, il s’agissait du Moi-peau 2 de Didier Anzieu. J’ai ainsi découvert au même moment l’importance que la revue pouvait avoir pour les professionnels et les travaux de Didier Anzieu, qui a été par ailleurs le premier à soutenir activement le Journal lors de sa création. 

J’ai rejoint Patrick 11 ans plus tard pour le soutenir dans l’organisation du Forum professionnel des psychologues. 

PC : D’ailleurs, c’est dans le cadre du Forum de 1985 que Georgina Dufoix, ministre de la Santé de l’époque, est venue annoncer officiellement la légalisation de l’usage du titre de psychologue. En novembre prochain, à l’occasion de ce 30e anniversaire, nous organiserons une journée d’échanges sur l’avenir de la profession. 

 

MFDS : La collection verra le jour cet automne avec un premier titre Apports de la psychologie clinique aux soins palliatifs de Axelle Van Lander. En quoi cet ouvrage est-il emblématique du projet de la collection ? 

P.C., D.G. : Et bien comme chacun sait, la clinique étymologiquement se fait au chevet du patient : il est exemplaire que cette clinique puisse être bénéfique au patient jusqu’au terme de son existence. C’est ce que l’auteur, Axelle Van Lander, met en évidence dans son livre qui propose à la fois une conceptualisation de ce qu’elle appelle la crise du mourir et les mécanismes psychiques qui la caractérisent, et des pistes d’élaboration de la place du psychologue en soins palliatifs, tant auprès des malades que des équipes. Il s’agit d’un des rares ouvrages qui s’intéressent à la question des soins palliatifs, écrit par un psychologue, pour les psychologues, et tous les soignants qui pourront se saisir de sa réflexion pour asseoir leur posture professionnelle dans la relation aux patients. À ce titre, l’auteur œuvre pour la défense de la profession dans sa spécificité et la complémentarité de ses approches lors de son inscription dans une équipe pluridisciplinaire.

Ce processus d’accompagnement, le psychologue est bien placé pour l’assumer car il a une connaissance de la psyché qui concerne l’ensemble des étapes de la vie d’un être humain. 

 

MFDS : Comment définiriez-vous l’identité singulière de cette collection ? Quelles sont ses perspectives ? 

P.C., D.G. : Le projet éditorial de cette collection traverse l’ensemble de nos propos : montrer que les multiples aspects de la psychologie ont une certaine cohérence et que celle-ci se retrouve dans la pratique du psychologue qui se nourrit de différents aspects conceptuels et d’un certain nombre de références. Même s’il privilégie l’une ou l’autre et en sachant bien sûr, que chaque théorie a sa propre consistance interne et ses propres développements. Il faut encore et toujours démontrer cette complexité sur laquelle s’appuient les actes et l’éthique du psychologue : une singularité d’exercice qui repose sur de multiples aspects de la connaissance de la psyché, à laquelle le praticien donne dans l’action et la réflexion sa cohérence.

À l’instar de notre politique de publication au sein du Journal des psychologues, les ouvrages qui devraient paraître dans cette collection ne se limitent pas à l’apport des psychologues. D’autres auteurs sont susceptibles d’apporter leur contribution, dans la mesure où leurs orientations peuvent trouver un écho favorable du côté des psychologues et enrichir leurs pratiques.

 

Journée d’échanges et de débat
organisée par  le Journal des psychologues

avec le soutien de l’École de psychologues praticiens

 

Le titre de psychologue a 30 ans
Quel avenir pour la profession ?

 

Paris – Le 28 novembre 2015

30 ans de titre unique, 30 ans d’évolutions de la société, du contexte économique, des demandes et conditions d’exercice.
30 ans et une succession de générations de psychologues.

Si le titre a été accueilli avec soulagement en 1995, qu’en a-t-on fait ?
Sommes-nous toujours au service du titre unique dans chacun des creux et des pleins de la profession ?

La formation, la légalisation d’un code déontologique et ses conditions d’application, les nouvelles facettes de ce métier avec l’émergence de nouvelles disciplines, champs et modalités d’intervention, l’usage du titre de psychothérapeute… beaucoup de questions agitent les organisations. Redessineront-elles la profession de demain ?

Celle d’aujourd’hui, comme celle d’hier ne brillent pas par leur reconnaissance : la précarité, voire la pauvreté des ressources face aux responsabilités, la multiplication des cabinets face au désert des postes offerts, que font les psys aujourd’hui pour les 30 années à venir ?

Nous vous invitons à venir en débattre et à participer ainsi à l’avenir de notre profession.

Renseignements : jdp@martinmedia.fr – objet « Les 30 ans du titre »

Lieu  : École de psychologues cliniciens

Si vous souhaitez participer activement à cette journée, contacter la rédaction à la même adresse.

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