Eduquer les adultes de demain

Tiens bon la barre...

Un numéro 600, soixante-quatre ans de publication ; je suis heureuse de passer ce cap avec vous.

Le bateau de L’École des parents tient encore la vague, bon an mal an, en dépit des avis de tempête, du temps qui passe et réduit la voilure ; traversant plus  d’un demi-siècle de navigation parentale et tentant, contre vents et marées, de ne pas perdre le nord.

Pour l’occasion, voici les actes du colloque qu’organisait la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, le 6 décembre 2012. Le propos était ambitieux : comment aider les enfants à devenir les adultes de demain quand le monde progresse à la vitesse de la lumière, celle des écrans qui éclairent nos vies et éblouissent nos yeux.

Éduquer aujourd’hui semble devenu très extraordinairement compliqué. Alors, tous les observateurs s’accordent à le dire, il serait bon peut-être de remettre un peu de simplicité dans tout cela. Car depuis Dolto, nous voilà pris dans « un grand magma psychique et psychologique », nous confie Serge Hefez, qui fait perdre de vue le bon sens et frappe les parents du sceau de la culpabilité, tant ils ne parviennent pas à faire ce qu’ils pensent devoir faire. Or éduquer, c’est transmettre, nous rappelle-t-il, et on ne sait jamais ce qu’on transmet. Car ce mouvement est un va-et-vient incessant qui, en dépit de toutes les volontés scrupuleuses, livre de nous ce que nous sommes et ce que les autres– dont les enfants – font de nous. Nous sommes donc témoins désemparés, mais aussi acteurs, d’autres façons de grandir, de se construire.

Soyons sans nostalgie cependant : les enfants d’avant étaient empotés, timides, hésitaient, n’osaient pas, se souvient Daniel Marcelli ; voilà qu’ils dépotent, dépassent les bornes, n’ont plus peur des adultes, qu’ils jonglent avec plusieurs identités, développent des capacités et des compétences qu’on ignore encore.

Et nous, parents, éducateurs, voulant à tout prix les protéger de ce que nous ne connaissons pas, les empêchons de faire leurs propres expériences, les seules qui fassent grandir et ne se transmettent pas. Le dehors serait dangereux, il faut qu’ils restent à la maison ; peu leur importe, ils sautent désormais par la fenêtre de leur écran, et voguent dans cette troisième dimension qui nous échappe. Aux tout-petits, laissons le temps ; laissons-les jouer à rien, à leurs jeux, jouons avec eux, et donnons-leur quelques clés pour qu’ils avancent sans nous.

Mais, si dépotés soient-ils, n’oublions pas, insiste Philippe Jeammet, qu’ils comptent sur les adultes, sur la confiance que nous mettons en eux, notre confiance en la vie, celle que nous leur avons donnée ou que l’on accompagne, et qui parfois peut nous servir de boussole.