Retour à la liste
25/02/2021
Roland Chemama

La psychanalyse, entre traumas et interprétations

 

Les scénaristes et les réalisateurs d’« En thérapie » ont situé les séances qu’ils imaginent dans la période qui suit immédiatement les attentats du Bataclan et des terrasses voisines. C’est un choix fort. Les psychanalystes avaient d’ailleurs pu constater eux-mêmes l’impact important, sur la vie psychique, du trauma provoqué par ces évènements.

Après le premier épisode de la série, consacré à une jeune chirurgienne qui opère des blessés pendant quarante-huit heures, le second concerne Adel Chibane, un policier de la BRI qui était en première ligne au Bataclan. Un spectateur regardant l’épisode pourrait penser que cela suffit largement à déclencher chez lui des symptômes post-traumatiques. Mais n’est-il pas intéressant que la série ait renvoyé de ce traumatisme à un trauma antérieur, celui du massacre, en Algérie, par le groupe islamique armé, de la quasi totalité de la famille d’Adel ? L’expérience psychanalytique montre chaque jour qu’un traumatisme, déclenché apparemment par des évènements précis à un moment donné, tire un surcroît de force dévastatrice du fait qu’il évoque un autre traumatisme, auquel il se superpose, et dont il ravive l’effet destructeur – celui-ci ayant pu d’ailleurs, comme dans la série, être frappé de refoulement.

Ce type de temporalité conduit par ailleurs à une autre remarque. Beaucoup de ceux qui regardent les émissions reconnaissent que Dayan, le psychanalyste du film, s’appuie sur les mots mêmes que prononcent les patients. Mais ils déplorent parfois qu’il en reste au conscient, à la signification apparente de ce qui est dit. Or ce n’est pas tout à fait vrai. Il n’est pas rare en effet que Philippe Dayan renvoie un des mots prononcés, à un moment donné, par un de ses patients, au même mot apparu précédemment dans un contexte différent, ce qui lui donne un tout autre relief. Cela ne montre-t-il pas que dans la série, comme dans la psychanalyse que nous pratiquons, ce que dit le patient doit souvent, pour être vraiment entendu, être interprété par le thérapeute ?


photo de Roland CHEMAMA

Roland Chemama, psychanalyste à Paris, ex-président de l’Association lacanienne internationale.

 


Commentaires (0)

Vous devez vous connecter pour poster un message !