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17/02/2021
Pascal-Henri Keller

La série "En thérapie" fonctionne-t-elle comme un test projectif ?

L’intérêt pour « En thérapie » croît, semaine après semaine. Mais désormais, l’audience qui grandit d’épisode en épisode inclut les psys eux-mêmes. L’aura désormais nationale de ce collègue de fiction aurait-elle libéré leur parole ? Sur le blog d’érès comme ailleurs, en même temps qu’ils disent ce qu’ils en pensent, valideraient-ils sans le savoir l’hypothèse de l’inconscient, leur premier outil de travail ? Les présents commentaires fournissent un premier indice en soulignant, à l’unanimité, que Philippe Dayan parle trop et qu’il serait « bavard ». Mais force est de constater ici que ces commentateurs pourraient s’appliquer le même constat : alors que les éditions érès nous avaient proposé d’alimenter ce blog par un texte bref de 1000 signes, nous avons tous transgressé leur consigne, sans exception. Alors que l’Oulipo nous aurait exclus sans hésiter, érès est bonne fille et nous a publiés intégralement. Le second indice vient d’interviews données par les Psys et publiés larga manu –bavard, vous avez dit bavard ? –  par la presse nationale, Télérama, Libération, Le Monde, Marianne, Femme Actuelle, etc. A nouveau, on constate que dans ses réponses concernant la fiction, chaque psychanalyste dévoile en réalité ses propres marottes : séance « courte », « bien dire » ou « l’extime » chez un lacanien, « surgissement de l’inconscient », « pouvoir de la parole » ou fantasme de « séduction de l’analyste » chez un freudien.

Pour les psychanalystes en général, « En thérapie » semble fonctionner comme un test projectif, Rorschach ou TAT (Thematic aperception test). Comme si la série mettait à jour ce mécanisme psychique fondateur inconscient qui, pour chaque humain, l’incite à trouver chez autrui des qualités, des sentiments ou des désirs qui viennent de lui et qu’il préfère ignorer : la projection. Le moment de la supervision illustre bien ce mouvement : analyste l’un et l’autre, les deux psys en présence semblent vouloir n’entendre dans la parole de l’autre que ce qu’ils préfèrent ignorer dans la leur.


photo de Pascal-Henri KELLER

Pascal-Henri Keller est professeur émérite, université de Poitiers.


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