Bébés chouettes - Martin Waddel et Patrick Benson

C’est l’histoire de trois bébés chouettes qui, se réveillant une nuit, découvrent que leur maman est partie. Les bébés chouettes, comme tous les bébés du monde, s’inquiètent quand leur maman n’est pas là, et Martin Waddell nous fait profondément ressentir la détresse de ces trois-là,  Sarah, Rémy et Lou. D’abord sortir de leur nid, bien douillet, au fond d’un trou de tronc d’arbre, se risquer à l’extérieur, pour essayer d’entrevoir leur maman, puis se serrer les uns contre les autres pour se sentir plus en sécurité, et puis encore fomenter, chacune et chacun, des hypothèses aiguisées et réconfortantes. Parce que tous les bébés, chouettes ou pas chouettes, ont besoin d’être rassurés. Alors ils s’inventent des histoires et, tentant de rationaliser l’absence de leur maman chouette, ils imaginent ce qu’elle peut être en train de faire – faire les courses pour eux bien sûr : « rapporter des souris et d’autres bonnes choses » ! Le récit, construit sur un rythme répétitif, est merveilleusement illustré par Patrick Benson (préférez le livre grand format, qui rend hommage à la beauté du dessin, à son ridicule ersatz de poche) : des sous-bois luxuriants, des couleurs sombres comme la nuit qui règne sur l’album, mais des bébés chouettes si délicatement duveteux, et incroyablement lumineux, comme phosphorescents sous la lune.

Vous lirez partout que ce Bébés chouettes est un livre doudou, qui rassure et réconforte, qu’il est une mise en scène et un outil d’apprentissage de l’absence, des angoisses de séparation, de perte et d’abandon qui s’invitent chez tous les petits enfants du monde ; qu’il permet de mettre en mots bien des émotions vécues par les tout-petits dans ces moments de séparation. Certes. Mais Bébés chouettes dit aussi très subtilement combien les tout-petits travaillent à penser, à échafauder des théories, à comprendre le monde, combien ils emploient de stratégies pour affronter l’angoisse, donner du sens aux choses, combien ils ont l’art de se raconter des tas d’histoires. Et combien les histoires des albums les aident à comprendre et à vivre les leurs.

C’est là le message premier de ce très « chouette » album, et Martin Waddell le répète trois fois dans son texte : « (toutes les chouettes réfléchissent beaucoup) ». Tous les petits enfants aussi !