Moi, ma maman... - Komako Sakai

Je ne résiste pas à clore cette bibliothèque idéale par cet album déjà ancien de Komako Sakai, qui de mon humble avis est une merveilleuse allégorie du passage de la petite enfance à l’enfance ; disons qu’il causera magiquement aux grands des petits, les 3, 4 ans.

Si je dois fermer par Moi, ma maman..., cette liste des 20/20 (vingt albums qui devraient avoir 20/20 par leur qualité et leur créativité), c’est parce que, quand même, il fallait l’oser : afficher sur ses pages d’entrée un définitif « Moi, ma maman... je la déteste ! » Sur deux pages blanches, ce mini haïku de six mots donne le ton du livre. Un petit lapinou avec de bien grandes oreilles parle à la première personne de sa maman. Qui lui cause bien des soucis. Imaginez : elle dort très tard, très, très tard... jusqu’à 9 h 30 le dimanche (un réveil sous l’oreiller nous rappelle régulièrement l’heure) ; elle regarde tout le temps des téléfilms ; elle s’énerve pour un rien ; elle répète toujours la même chose (« Vite, vite, dépêche-toi ») ; elle oublie de faire la lessive. Enfin bref, notre lapinot boudeur n’en finit pas de dresser la liste des reproches destinés à sa mère. Mais le pire, dans cette histoire, c’est qu’elle ne veut pas se marier avec lui, ni aujourd’hui ni demain, quand il sera grand, très très grand. Notre lapereau chagrin décide alors de quitter sa maison et de s’en aller loin, très très loin de sa maman.

Vous imaginez combien le pédopsychiatre qui ne sommeille jamais vraiment en moi jubile à la lecture de ces quelques pages, peintes ou crayonnées, entre bleu et crème, qui, comme une séquence de court métrage, nous rejouent le grand scénario de l’Œdipe. Et nous parle si intimement de cette sacrée ambivalence qui anime, chaque jour, la vie des enfants et de leurs parents !

Madame Sakai a, manifestement, quand elle nous fait ce pitch, beaucoup de délicatesse et autant de malice !

Depuis Moi, ma maman..., prix Pitchou du festival du Livre de jeunesse de Saint-Paul-Trois-Châteaux en 2006, Komako Sakai, autrice et illustratrice japonaise, a écrit et illustré des dizaines d’albums, en particulier à L’école des loisirs, créant un univers singulier, tout en délicatesse et tendresse : on reconnaît en effet son style et son dessin, toujours d’une extrême douceur, au premier coup d’œil. N’hésitez pas à partager avec vos enfants petits tous ces trésors d’albums où elle conte les instants fugaces de la vie des tout-petits avec une délicieuse patte impressionniste. Une mention particulière pour Réveillés les premiers ! (2013), Un amour de ballon (2005) ou Le petit chat de Lina (2017).