Ce livre est une matriochka, une poupée russe. À moins qu’il ne soit une randonnée, vous savez, ces récits qui vous promènent d’un lieu à un autre, à la découverte, chemin faisant, de lieux, de personnages, d’actions.
À moins encore qu’il ne soit une très technique illustration d’effets cinématographiques, zoom ou travelling avant. Ou une pub pour Google Earth, cet incroyable logiciel qui vous permet de visualiser la Terre depuis l’espace et de zoomer, zoomer, jusqu’à faire un gros plan sur le petit chat qui ronronne au soleil sur votre balcon.
Sur la couverture de ce petit cartonné carré, un fauteuil, rouge, en forme de cœur, accueille une maman au ventre tout rond. Sur toutes les pages de gauche il y a une question, et sur les pages de droite, la réponse : « Dans l’univers, savez-vous ce qu’il y a ? / Il y a la Terre. » « Sur la Terre, savez-vous ce qu’il y a ? / Un pays. » « Dans ce pays, savez-vous ce qu’il y a ? / Un jardin. »
Et ainsi de suite, d’immeuble en appartement, de salon en fauteuil, de maman en bébé, de cœur en battement. De l’infiniment grand à l’infiniment petit, du plus lointain au plus proche, du brouhaha du monde à l’intimité fœtale, le livre se joue des distances et des échelles, pour nous dire qu’au creux de tout, il y a un petit cœur qui bat. « Un battement / au cœur / du bébé / de la maman / assise / dans le fauteuil / du salon… »
Il y a beaucoup de tendresse et de « profondeur » dans ce court message à l’adresse des générations à naître. Les tout-petits ne sont que grains de poussière dans l’univers mais, aux yeux de leurs parents, de leurs proches, ne sont-ils pas tout l’univers ?
Joëlle Jolivet illustre, ou plutôt grave des ocres et des bleus, des jours et des nuits où se mêlent des décors, des personnages, des jardins qui nous rappellent les jungles luxuriantes du Douanier Rousseau. On y devine des détails nouveaux à chaque lecture, on se plaît à suivre le chat qui se faufile de page en page, on se demande bien où elle veut nous entraîner, et on s’y retrouve comme ébahi, attendri, devant ce petit battement… qu’on entendrait presque.
Virginie Aladjidi nous « chante » sous une forme presque comptée un enchaînement de mots et d’interrogations qui nous accompagne jusqu’à la chute finale, dans un emboîtement musical qui nous enchante. Ou comment, en 24 pages cartonnées, raconter somptueusement comment la vie naît, ici et ailleurs, de l’univers au ventre des mères.
Patrick Ben Soussan est pédopsychiatre. Il a exercé pendant vingt-cinq ans à l'institut Paoli-Calmettes, Centre régional de lutte contre le cancer Provence-Alpes-Côte-d'Azur à Marseille, où il était responsable du département de psychologie clinique.
