Seuls dans la forêt
Grandir est une histoire au long cours, une histoire de découvertes et de séparations, une histoire d’envies et de peurs. De peurs sans cesse nouvelles, qu’il faut sans cesse affronter, dépasser. Car pour partir à la découverte du monde, il faut bien se séparer, au risque de se retrouver seul ; pour se séparer, il faut courir le risque d’aller vers l’inconnu.
Voilà les peurs des enfants, celles de Blanche-Neige, du Petit Poucet, de la femme de Barbe Bleue, de Peau d’Âne et du Petit Chaperon Rouge ; peur d’être abandonnés, de leurs parents ou de ceux qui s’occupent d’eux, sans lesquels ils ne sauraient vivre ; peur de la nuit et peur du noir, qu’ils doivent affronter seuls ; peur des monstres, peur des ogres et peur du loup, peur d’être dévorés, attaqués, qu’on se glisse en eux ; peur d’être perdus dans un monde à jamais étranger.

Plus grands, tout comme nous, ils auront peur d’« y aller », de ne pas y arriver ; peur de ne pas pouvoir dire, d’être soi sous le regard des autres, peur de ce que les autres penseront d’eux. La peur est normale, elle dirige nos vies. Impossible d’y échapper. Enfants et adultes, nous restons tenaillés par elle. Elle nous fait fuir, nous pétrifie ou nous agrippe à ce qui rassure. « C’est notre faiblesse, et le signe de notre humanité », nous dit Philippe Meirieu.
Être grand, si on y arrivait un jour, ce serait savoir se retrouver seul, sans avoir peur des autres. Le plus difficile des programmes.
Et pourtant, c’est ce vers quoi, adultes, parents, éducateurs, nous devons conduire les enfants, quand trop souvent nous voulons les protéger d’un monde que nous craignons.
Alors, si nous voulons aider les enfants à grandir, tentons d’être les bons génies et les bonnes fées, sur lesquels ils puissent poser leur regard pour ne pas avoir peur d’aller de l’avant. Car devenus adultes, il leur faudra trouver, sans nous mais avec d’autres, les moyens d’avancer et de dépasser les peurs qui les entravent.