Quand En Thérapie s’invite dans la thérapie, le transfert cathodique.

Lors de parution de la saison 1 de En Thérapie, plusieurs de mes patients avaient fait allusion en séance à la série en question, ce qui m’avait incité à la regarder et même conduit à en proposer une analyse sous l’angle de l’évolution sociétale actuelle[1].

La saison 2 à peine mise en diffusion, voilà que la fiction fait de nouveau irruption dans l’espace thérapeutique de mon cabinet, mais cette fois sur un mode très direct, presque intrusif, sans médiation. C’est particulièrement le cas pour une de mes patientes.

Il n’est pas rare que la fréquentation d’une œuvre (roman, film, essai) conduise les patients à associer en prenant appui sur les figures (personnages, témoignages) qu’ils ont rencontrées dans l’œuvre en question, laquelle devient alors une sorte de surface projective, support d’un travail psychique singulier. L’œuvre en question comporte suffisamment d’éléments à distance pour que d’une part le patient n’entretienne aucune confusion entre ce qu’il rencontre dans l’œuvre et ce qu’il est lui, et que d’autre part il entrevoit la composante projective dans le déroulement de sa pensée.

Ici, c’est peut-être autre chose qui est en jeu : une sorte de superposition des espaces, celui de la fiction et celui de la scène thérapeutique. Ainsi, ma patiente se plaint-elle de n’être pas assez « rentre dedans » (comme le sont, dit-elle, les patientes de Ph. Dayan auxquelles elle voudrait ressembler), ou de ne pas dire des choses déterminantes, intéressantes, décisives même, me prêtant de m’ennuyer durant les séances tant elle se répète. Elle trouve aussi que le travail thérapeutique n’avance pas assez vite, qu’il est loin de la temporalité condensée des séances de la fiction. Fiction qui perd le statut de fiction et démultiplie le transfert, « transfert cathodique » alimentant la régression vers un transfert idéalisant.

Voir les ouvrages de Ludovic Gadeau