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05/04/2024
Danièle Faugeras
Blog PO&PSY

Ivan Akhmetiev : bouts de vie, bouts de paroles

Le parcours d’Ivan Akhmetiev, né à Moscou en 1950, est moins atypique qu’il n’y paraît pour un poète russe de son temps.

Après des études de physique, il travaille brièvement dans un institut de recherches avant de tout abandonner pour se consacrer à la littérature à laquelle il s’initie en autodidacte. Il fréquente alors les milieux dissidents et subvient à ses besoins en devenant tour à tour boulanger, pompier chargé de la protection anti-incendie au musée de Kouskovo, gardien, concierge et chauffagiste.

En décembre 1978, Akhmetiev prend part à une manifestation en faveur des droits de l’homme.

Il est victime d’un internement psychiatrique forcé en 1979.

En 1984, il trouve un emploi de bibliothécaire.

Après la perestroïka, il exerce des activités de traducteur et de rédacteur. Dès 1991, quand le milieu de l’édition devient plus libre, il s’emploie à publier la littérature clandestine de la période soviétique. Son œuvre de découvreur et d’anthologiste lui vaut de recevoir en 2013 le prix Andreï Biely « pour services rendus à la littérature russe ».

 

Akhmetiev écrit depuis l’adolescence.

Ses poèmes, d’abord diffusés en samizdat, sont aujourd’hui régulièrement publiés.     Outre de nombreuses parutions en revue, il est l’auteur des recueils : Miniatures (1990), Des poèmes et rien que des poèmes (1993), Neuf ans (2001), Amores (2002) et Ce n’est rien ça passera (2011).

Il a été traduit en anglais, arménien, bulgare, hongrois, espagnol, italien, allemand, polonais, roumain, serbe, slovaque, croate, tchèque et désormais français.

 

Ivan Akhmetiev est l’un des représentants les plus connus du minimalisme russe contemporain, dont Vsevolod Nekrassov (1934-2009) a été le principal inspirateur et auquel on peut rattacher d’assez nombreux poètes, dont Alexandre Makarov-Krotkov, Guerman Loukomnikov, Tatiana Danilyants, Mikhaïl Niline, Boris Kotcheïchvili.

Les textes d’Akhmetiev sont brefs, très brefs même, son langage est simple, évident, souvent ancré dans le quotidien. Des phrases de tous les jours saisies au vif prennent sous sa plume une dimension autre. Ces miniatures sont parfois une réponse – ou une non-réponse – à une question absente mais qu’on devine aisément. Vsevolod Nekrassov a comparé l’œuvre d’Akhmetiev à une série de « points de condensation » qui ne s’inscrivent dans aucun système imposé. Chaque texte demeure totalement autonome, mais regroupés, ils interagissent aussitôt : on y perçoit des échos, des dialogues, tout un microcosme dont ils sont les fragments intimes, « des bouts de vie, des bouts de paroles » comme les caractérise l’auteur, « fragments de quelque chose d’immense que je n’ai pas la force d’écrire ». Ils incitent à la réflexion, parfois au sourire, et leur écriture suspendue (le poète Mikhaïl Aïzenberg y voit d’ailleurs un témoignage de l’air lui-même) se poursuit dans un vide qui n’en est pas un et dans le silence qui forme la trame de l’œuvre d’Ivan Akhmetiev.

 

 

                                                                                       Christine ZEYTOUNIAN-BELOÜS

                                                                                       poète, plasticienne, traductrice

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