Décès d'Alain Didier-Weill


Lire l'hommage par Jacques Barbier


Alain Didier-Weill est décédé brutalement le 17 novembre à Paris.

Il laisse une œuvre qui marque la pensée psychanalytique depuis Lacan.

Le 21 décembre 1976, Jacques Lacan l’invite à parler à son séminaire. Il interviendra à 3 reprises, pour y présenter les questions qui se révèleront être de véritables esquisses de ses titres les plus forts.

On y devine déjà le style si particulier, qui transparait dans les signifiants qu’il interroge : pulsion invoquante, étonnement, de-sidération, Witz, poésie, note bleue, voici sa palette, sa partition, son habit de danseur pour approcher l’inouï, l’invisible, l’impalpable, un tissage qui le conduira à ses textes majeurs, qui prennent appui sur le commentaire le plus personnel des derniers séminaires de Lacan. Bien que l’estime et la confiance soient réciproques, Alain Didier-Weill décline l’offre que lui fait Jacques Lacan d’occuper une fonction institutionnelle au sein de l’École Freudienne de Paris.

Il a ensuite fondé avec Jean-Pierre Winter le mouvement du Coût Freudien. Il a créé avec Michel Guibal le lieu X, une expérience de «la Passe», qui débouchera sur la création de l’Inter Associatif, devenu  l’Inter Associatif  Européen de Psychanalyse qui a permis les retrouvailles des personnes dispersées après la dissolution de l’École Freudienne de Paris. Et enfin, il est à l’origine de l’Association Insistance (Art Psychanalyse et Politique), et de la revue Insistance.

Alain Didier-Weill participe à la rédaction des statuts de Convergencia, regroupement de psychanalystes européens, américains et latino-américains.

Écrivain passionné de théâtre, il met en scène ce qu’il comprend, découvre et invente avec la psychanalyse. Son importante œuvre théâtrale témoigne de ce qu’apporte la psychanalyse à la compréhension des relations humaines, de la puissance de la parole et du langage jusqu’à avoir des effets sur l’Histoire. Ses pièces sont autant à découvrir en live sur scène qu’à écouter mentalement en les lisant. « Voir la voix », disait-il.

Il a reçu le prix de la Critique pour Pol, il a travaillé entre autres avec Michael Lonsdale et Sapho, et Michel Bouquet pour Freud Einstein, pourquoi la guerre ? Son Vienne 1913 a rencontré un succès certain.

Il n’était pas expert en danse mais il était attaché à l’envol des danseurs de claquettes tel Fred Astaire et Gene Kelly. Il s’exerçait lui-même avec talent aux claquettes. Passionné de jazz, il jouait du piano et du saxophone.

Après une période de santé difficile, nous le voyions, ces derniers mois, actif, enthousiaste, lecteur infatigable. Avec ce style personnel de questionner ceux qui l’interrogeaient, il avait une façon subtile d’être avec chacun, de faire « advenir », nous assurant du crédit fait à notre propre parole. Psychanalyste avec et sans divan, sa fréquentation généreuse a fait fleurir chez de nombreuses personnes des dispositions de légèreté et d’intelligence dans leurs vies et leurs pratiques professionnelles. Dispositions inouïes, in-imaginées, voire in-espérées.

Grand voyageur, Alain Didier-Weill a marqué la psychanalyse au Brésil, en Argentine et aux USA. Il y a noué de solides amitiés et des « transferts de travail» dont les effets fécondants fleurissent aujourd’hui.

C’est avec tristesse et gratitude que nous évoquons ce grand penseur de la psychanalyse, gratitude pour l’héritage dont nous avons la responsabilité personnelle d’accueillir.

Jacques Barbier
Vice-président de l’Association Insistance

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