Le genre en question

Penser la différence sans la hiérarchie

Depuis quelques mois, la France est en émoi. Des mères et des pères de « bonne » famille défilent avec leurs bambins contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. D’autres, souvent issus de l’immigration, boycottent l’école, scandalisés à l’idée qu’elle inciterait leurs enfants à choisir leur sexe. Fin mars, le collectif des Journées de retrait de l’école diffusait encore une rumeur, selon laquelle une institutrice de maternelle aurait demandé à deux élèves de se toucher les parties génitales. Les bras lui en sont tombés !

Comment a-t-on fait pour en arriver là ? Pourquoi la question du genre, jusque-là cantonnée aux études universitaires, s’est-elle métamorphosée aux yeux de certains en une « théorie » diabolique, ourdie par des lobbies féministes et LGBT ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que le genre, précisément, et que faut-il en penser ? L’École des Parents se devait de répondre à ces questions d’actualité, qui interpellent nécessairement les parents, et tous les professionnels qui travaillent avec des enfants. D’où ce dossier brûlant/brûlot, conçu à l’aide de spécialistes d’horizons divers : sociologues, ethnologues, chercheurs en sciences de l’éducation, neurologues, psychanalystes. Où l’on apprend qu’il convient de différencier le sexe génétique et le sexe morphologique, tous deux donnés à la naissance, du sexe social – le fameux genre – que chacun d’entre nous élabore, sous l’influence de son éducation, de sa culture. Toute la question étant de savoir où réside notre véritable identité. Est-ce plutôt celle dont on hérite, ou celle que l’on construit ? Les deux bien sûr… La controverse autour du genre répond à l’idéologie du moment qui survalorise l’individu.

À cette problématique, il convient d’ajouter celle de la hiérarchie des sexes, et des sexualités : en bas les femmes, et les homosexuels, en haut les hommes, et les hétérosexuels, ce depuis la nuit des temps, et dans la majorité des sociétés. Ces inégalités sont de plus en plus vécues comme des injustices, à juste titre. Faut-il pour autant nier la différence des sexes, comme le prônent une poignée de féministes excessives, pour lesquelles l’égalité passe par la similitude ? Certainement pas. L’un des enjeux du XXI^e siècle consiste au contraire à penser la différence sans la hiérarchie. À reconnaître l’autre comme différent de soi, et à considérer cette altérité comme une richesse, non comme un élément de domination. C’est encore plus important lorsqu’on élève un enfant. Il ne s’agit pas ici de féminiser les garçons ni de masculiniser les filles, mais de les autoriser à exprimer toute la palette de leurs émotions et de leurs comportements, et d’ouvrir le champ de leurs possibles.

Daniel Marcelli