«La tendance médicale est de prendre le contrôle sur le raisonnement du malade.» Bataille, P. (2003). Un cancer et la vie. Paris : Balland.
«[…] le danger de connaître la vérité au sujet de la maladie qui vous condamne est d’engendrer en vous, à l’insu de tous, un autre cancer qui prolifère parallèlement à l’autre, une sorte de cancer de l’âme.» Deschamps, D. (1997). Psychanalyse et cancer. Paris : L’Harmattan.
Les uns accusent la médecine d'être ivre de technologies, de perdre le contact avec le corps, de ne plus écouter le patient, d’être, en bref, victime de sa modernité. Regrettent-ils avec nostalgie Claude Bernard ? Ils nous assurent même que cette médecine, qui ne sait plus écouter le corps vivant, qui refuse tout autant de regarder la mort en face, revendique pourtant sa présence incessante pour l’épanouissement des individus - leur «état de complet bien-être physique, mental et social» dirait l’OMS : notre bonheur contemporain requiert ses bénéfices. Les autres s’enthousiasment devant cette nouvelle médecine centrée sur le patient, ce nouveau partenariat dans la relation de soins, entre patients et professionnels de la santé, cet élan de la démocratie sanitaire, l’empowerment des patients, leur expérience et leur expertise enfin reconnue - même par la faculté. De la bienveillance paternaliste au respect appliqué de l’autonomie, s’inventerait un nouveau modèle de relation médecin-malade… Mais la figure gênante du malade, réduit à son statut de client consommateur - exigeant - de services médicaux, ne plane pourtant jamais loin de ces considérations. Les uns soutiennent que l’hôpital se réinvente, comme la mission de prendre en compte l’homme malade qui est confié à ses professionnels. Pour les autres, rien ne va, le système de santé s’est mis à produire des individus sans histoires personnelles, remplaçables, réduits à de simples rencontres de corps et d’instruments. Le projet de ce numéro de Cancer(s)&psy(s) est de déconstruire ces Oppositions manichéennes et, pourquoi pas, de rappeler que, comme l’évoquait Winnicott, «La santé n’est pas la facilité».
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